HISTOIRE DE FRANCE

Q : Les chevaliers français étaient-ils comme les samouraïs au Japon?

Pour apporter une réponse pertinente à votre question, il faudrait que celle-ci soit plus précise. Notamment il faudrait la borner chronologiquement.

Reprenons les termes employés et vous allez comprendre. Chevaliers français ? Pour ce qui est de la France, on peut commencer à parler de la chevalerie comme institution sociale et militaire à partir du XIe ou du XIIe siècle. Elle va néanmoins se structurer autour d'une éthique chrétienne, aristocratique et guerrière à partir du milieu du XIIe. Quand la chevalerie prend fin ? Là encore il n'est pas aisé de donner une date précise, mais disons quelque part dans la première moitié du XVIe. Durant les guerres d'Italie les références chevaleresques du côté Français, sont encore nombreuses (François Ier dernier roi Chevalier, l'épopée de Bayard etc.), ce ne sera plus le cas après les guerres de religion.

(François Ier adoubé chevalier par Bayard à Marignan. Un fait historiquement débattu, mais un symbole fort de la persistance de l'idéal chevaleresque dans la France du début du XVIe siècle.)

Bref, la chevalerie en France, dans son sens restreint, c'est plus ou moins quatre siècles d'histoire et d'évolutions, parfois significatives !

(Du chevalier de la première croisade aux lanciers des compagnies d'ordonnance, il y'a un monde !)

Pour les samouraïs japonais, c'est encore pire ! Je me cite :

ll s'agissait d'une classe, voire d'une caste, de militaires féodaux. Il y'a eu des samouraï au Japon pendant presque sept cent ans (du 12e siècle au début de l'ère Meïji). Pendant une longue période (ère d'Edo), les samouraï n'ont pas connu d'action militaire notable, vu que le paix était largement en paix. Bref, tout ça pour dire que des samouraï, il y'en a eu de toutes les tailles et les poids, équipés de manière très diverses selon les époques (des archers à cheval des premiers temps, aux arquebusiers du 16e), et que certains avaient plus à voir avec des fonctionnaires qu'avec des guerriers.

 

On parle de samouraïs comme institution sociale et militaire, pendant près de 6 siècles !

(Les samouraïs, initialement des archers à cheval…)

(…devenus des fonctionnaires et des guerriers sans guerre durant la période d'Edo.)

Donc il faudrait comparer samouraïs et chevaliers français sur une période précise pour avoir idée pertinente de ce qu'il est possible de répondre.

Néanmoins on peut dégager quelques généralités et quelques points de ressemblance il est vrai. Dans les deux cas, nous avons affaire à des élites militaires, à l'origine équestres, se revendiquant d'une éthique spécifique (chevalerie, bushido) et ayant joui d'un statut social élevé au sein des pyramides féodales des deux pays concernés.

Ceci dit, les différences restent nombreuses. Les éthiques des chevaliers français et des samouraïs japonais, ont des origines totalement différentes. L'une est profondément chrétienne dans sa version catholique. Les chevaliers sont devenus, en raison de l'influence mais aussi de la pression de l'Eglise catholique, en théorie du moins les soldats du christ. Le code chevaleresque était, entre autres, destiné à canaliser la violence et l'agressivité de la classe chevaleresque et d'apaiser les rapports féodaux. Elle permettait aussi aux chevaliers de mettre en accord leur style de vie belliqueux avec les normes de l'éthique chrétienne.

(L'influence prégnante de l'Eglise catholique sur la chevalerie française et européenne, aboutira à plusieurs ordres combinant éthique monacale et chevaleresque. Des templiers à l'Ordre de St Jean, etc.)

Bien évidemment du côté japonais, le bushidô (le terme précis est récent par rapport à la longue histoire des samouraïs) trouve ses racines dans certaines formes de bouddhisme, ainsi que dans les traditions shinto. La conception sociale du samouraï, elle renvoie à des conceptions néo-confucianistes.

(Une pyramide sociale à première vue proche de celle de la féodalité européenne et répondant pourtant à des normes totalement différentes.)

Sur un plan purement militaire, si chevaliers français et samouraï sont à l'origine des cavaliers, ils ne sont pas de la même classe. La chevalier française est d'emblée, et restera la plupart du temps, une cavalerie lourde censée obtenir des résultats décisifs en bataille rangée, par le choc. Le fait est, que souvent les chevaliers combattront différemment, lors de chevauchées, de sièges, ainsi qu'à pied, mais il n'en restait pas moins que leur équipement, leur entrainement restaient centrés sur le choc.

(Même si bien moins courante qu'on ne pourrait le penser, la charge restait l'option tactique privilégiée de la chevalerie française.)

Du côté des samouraï, on a initialement affaire à une cavalerie beaucoup plus légère, voire à des archers montés. A l'origine les samouraï pratiquent lavoie de l'arc et du cheval. Ce n'est qu'épisodiquement et au sein de certains clans, que les samouraïs deviendront de la cavalerie de choc. Ils accorderont toujours plus d'importance à la mobilité et à la flexibilité tactique que la chevalerie français, qui disposait elle, d'équipements mais aussi de chevaux beaucoup plus lourds.

Bref, des points communs mais beaucoup de différences et dans les deux cas une forte évolution des termes considérés et de leur signification. Dans ces conditions, pas évident de vous répondre !

Sources :

Réponse de Alexandre Sombardier à Pourquoi les janissaires ottomans sont-ils décrits comme des samouraïs ? (QT)

Le crépuscule de la chevalerie. Noblesse et guerre au siècle de la Renaissance

CHEVALERIE ET CHRISTIANISME AUX XIIe ET XIIIe SIÈCLES

Les féodalités

Le « paradoxe japonais » ou l'art de déjouer les pièges du comparatisme [*]