« Le Moulin de Daudet » aux Monuments Historiques
«N’allez pas là-bas, disait-il ; ces brigands-là, pour faire le pain, se servent de la vapeur qui est une invention du diable, tandis que moi, je travaille avec le mistral et la tramontane, qui sont la respiration du Bon Dieu...»
Hier, nous évoquions les Baux-de-Provence et, à quelques kilomètres de là, neuf kilomètres exactement et toujours au milieu ce beau paysage des Alpilles, on raconte que dans les années 1870 …
« Ce sont les lapins qui ont été étonnés !...
Depuis si longtemps qu’ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d’opérations stratégiques : le moulin de Jemmapes des lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune...
Le temps d’entrouvrir une lucarne, frrt ! Voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l’air, dans le fourré. J’espère bien qu’ils reviendront. » (Alphonse Daudet)
C’est donc là, au Moulin Ribet, appelé également le Moulin Saint-Pierre qui fut construit en 1814, qui broya du blé pendant un siècle eu qui s’arrêta de fonctionner en 1915, que l’histoire a commencé.
Cette histoire veut que ce soit le moulin d’Alphonse Daudet, un jeune journaliste nîmois qui vivait à Paris. Mais contrairement à la légende locale, Daudet n’a jamais habité le Moulin Ribet, c’est au château de Montauban qu’il résidait, chez les Ambroy, où il fit son lieu de villégiature.
Pendant 30 ans, Alphonse Daudet vient régulièrement au château de Montauban. C’est dans cette demeure qu’il fait la rencontre d’un grand nombre de personnes qui, grâce à leurs histoires et leurs anecdotes, l’inspireront : Mitifiot, le garde champêtre, Audiberte, la domestique ou Quenin, surnommé « Lou Roudeirou ». Ces différents individus deviendront les personnages des contes qu’il écrira.
Situé à un kilomètre du château de Montauban, le Moulin Ribet aurait donc inspiré Alphonse Daudet pour écrire « Le secret de Maître Cornille », l’une des nouvelles du recueil « Les Lettres de mon moulin » publié à partir de 1869.
Mais revenons en 1814… Le Moulin Saint-Pierre est construit afin de broyer le blé dans la région de Fontvieille. Ce moulin à vent tient son rôle pendant un siècle, jusqu’au début de la Grande Guerre. Le blé et les hommes sont alors réquisitionnés par l’armée. Cela signe l’arrêt du dernier moulin encore actif de Fontvieille.
Pour décrire le bâtiment, Daudet écrit : « Une ruine ce moulin ; un débris croulant de pierres et de vieilles planches, qu’on n’avait pas mis au vent depuis des années et qui gisait, inutile comme un poète, alors que tout autour sur la côte la meunerie prospérait et virait à toutes ailes. ».
Le moulin est remis en état en 1935 grâce à l’association « Amis d’Alphonse Daudet » qui souhaitait créer un musée dédié aux œuvres et aux souvenirs de l’auteur et de ses « Lettres de mon moulin ».
Le « Moulin de Daudet » est situé dans un cadre exceptionnel. Accroché au flanc d’une colline parsemée de garrigue, il est visible de loin. Ses ailes se tiennent encore fièrement, dominant les chênes et la végétation méditerranéenne.
« Un joli bois de pins tout étincelant de lumière dégringole devant moi jusqu’au bas de la côte. À l’horizon, les Alpilles découpent leurs crêtes fines… Pas de bruit. À peine, de loin en loin, un son de fifre, un courlis dans les lavandes, un grelot de mules sur la route… Tout ce beau paysage provençal ne vit que pour la lumière. »
…
« C’est de là que je vous écris, ma porte grande ouverte… »
(Alphonse Daudet - Lettres de mon moulin)
Alphonse Daudet est mort le 16 décembre 1897 et il nous a laissé, en héritage, des pages d'écritures qui sont un ravissement pour le lecteur.
C’est en regardant dans mon objectif mais en pensant à ces récits de Daudet, que je lisais sur les bancs de l’école, que j’ai photographié le site du Moulin de Ribet avec cette sensation curieuse de voir quelque chose que je reconnaissais dans cet endroit où, pourtant, je n’étais jamais venu. En écoutant bien, dans le silence des Alpilles, on aurait pu entendre également le son du fifre ou le grelot d’une mule sur la route…
« Le Moulin de Daudet » est classé aux Monuments Historiques depuis 1931, en souvenir d’Alphonse Daudet qui y écrivit ses nouvelles.
Et comme on ne s’en lasse pas, il y a ces quelques lignes qui donnent envie de ressortir de la bibliothèque, le vieux Livre de Poche aux pages jaunies par le temps.
« ... La pièce du bas avait le même air de misère et d'abandon ; un mauvais lit, quelques guenilles, un morceau de pain sur une marche d'escalier, et puis dans un coin, trois ou quatre sacs crevés d'où coulaient des gravats et de la terre blanche.
C'était là le secret de maître Cornille ! C'était le plâtras qu'il promenait le soir par les routes, pour sauver l'honneur du moulin et faire croire qu'on y faisait de la farine...
Pauvre moulin ! Pauvre Cornille !
Depuis longtemps, les minotiers leur avaient enlevé leur dernière pratique. Les ailes viraient toujours, mais la meule tournait à vide.... »
[...]
Alphonse Daudet, « Les Lettres de mon Moulin - Le secret de Maître Cornille » - 1869
(Référence textes : Alphonse Daudet « Les Lettres de mon Moulin » – PACA Culture et Patrimoine – O.T. Saint-Rémy-de-Provence – Base Mérimée)
(Le Moulin Ribet – Fontvieille - Bouches-du-Rhône - Provence-Alpes-Côte d’Azur)
©Marc Lemahieu Photographe.
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