CONTINENT AFRIQUE NOIRE

La structure a été trouvée sur les rives de la rivière Kalambo, à quelques centaines de mètres seulement des deuxièmes chutes d’eau les plus hautes d’Afrique. Le site, soumis à des inondations régulières et ainsi gorgé d’eau depuis un demi-million d’années, a offert des conditions idéales et rares pour la conservation du bois. Les sédiments argileux ont notamment permis de stopper toute activité biologique qui aurait rongé l’objet.

Mais quelle est la nature de cette structure ? Il s’agit de deux rondins superposés encastrés par le biais d’une entaille en forme de U de plus de 10 centimètres de large. En somme, de deux massifs morceaux de bois emboités l’un dans l’autre. Ils pourraient correspondre, selon les chercheurs, à une fondation destinée à soutenir quelque chose de plus imposant, à une passerelle ou encore à une plate-forme pour s’asseoir, parler, manger ou stocker du bois de chauffage ou de la nourriture.

Selon Veerle Rots, professeure de préhistoire à l’université de Liège et cosignataire de l’étude, l’assemblage aurait "clairement été produit par l’Homme",comme le laisse entendre une série de marques laissées dans le bois par des outils en pierre. En l’occurrence, par des ancêtres de Sapiens dont il est malheureusement difficile de déterminer l’espèce (plusieurs espèces humaines étaient présentes en Afrique à cette époque et aucun reste anatomique n’a été retrouvé aux chutes du Kalambo).

Ce modelage si précoce du bois prouve deux choses capitales pour les préhistoriens : que ces premiers humains mettaient non seulement leurs compétences en matière de travail de la pierre au service de la coupe du bois, mais surtout qu'ils étaient capables de travaux d'ingénierie sur des arbres entiers, et non uniquement sur de simples branches.

Cette découverte soulève plus largement une question fondamentale : si ces hominidés prenaient le temps et la peine de construire ce type de structure, étaient-ils vraiment si nomades qu’on ne l’a toujours considéré jusqu’ici ? "Cette découverte peut mettre le doute. Car par sa taille, [cette structure] ne pouvait pas être transportée. Compte tenu de la nature du lieu, propice à l’habitat, cela peut signifier que des gens y vivaient et qu’ils y sont restés pendant un certain temps", a déclaré Larry Barham, professeur à l’université de Liverpool et premier auteur de l’étude, au journal Libération.

Une telle construction "monumentale" n'a aucun d'équivalent connu dans le Paléolithique africain ou eurasien, rappelle l'étude. Le plus ancien artefact en bois répertorié est en effet un fragment de planche polie provenant du site acheuléen de Gesher Benot Ya'aqov, en Israël (plus de 780.000 ans), suivi chronologiquement par des outils en bois destinés à la recherche de nourriture et à la chasse trouvés en Europe, Chine et peut-être en Afrique (vers 400.000 ans). 

Pour l'instant débattus dans la communauté scientifique, ces résultats n'en restent pas moins capitaux.